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Pater

Quand elle paraît, en survêt', baskets et la coupe au carré sagement maintenue par une barrette, elle a dix, douze ans, peut-être quartorze. Une grande enfant qui, à l'homme qui l'accompagne sur le plateau, offre une démonstration de danse. Avec ce regard fier qui cherche la fierté en miroir. 

Ce soir-là, aux côtés de Barbara Sylvain, il y a Jean-Luc, 67 ans. Comme ceux qui l'ont précédé et ceux qui le suivront, il a répondu à l'annonce de l'actrice cherchant, pour l'accompagner dans cet exercice pas banal, un homme de 65 à 75 ans, surtout pas comédien. Il est arrivé peu avant la représentation ; ils ont passé une heure à traverser le spectacle, puis partagé un repas. Et les voici, elle le guidant, lui lui offrant une présence en réponse à A., “comme Absent, comme Ailleurs”. 

Ce soir-là donc, Jean-Luc incarnera le père, objet et sujet de ce Pater composé autour d'un lien effiloché et marqué par l'oubli. “J'avais 14 ans. Il est parti en emportant toutes les photos de famille. J'ai comme un bras qui me manque.” Les mots de Barbara Sylvain, tantôt prononcés, tantôt écrits, guident le regard et l'écoute : une quête intime aux échos universels. Car, si l'abandon est l'exception, les failles relient toutes les familles.

Conceptrice, autrice et interprète, l'actrice a forgé cette création avec la complicité, entre autres, de Lula Béry, de Marie Henry pour la dramaturgie, de Valère Le Dourner à la scénographie... Si la Cie Oh my god n'en est pas à son coup d'essai (on se souvient notamment du délicieux It's so nice, en duo avec Lula Béry), Barbara Sylvain signe ici un projet scénique d'une singularité rare, farci d'audaces et de pudeur, de métaphores et d'obstination, vibrant autour du creux, du vide, du manque. Et plein de la vie bâtie sur lui, avec lui, malgré lui.
M.B.

Créé au Centre culturel Les Riches-Claires

Écriture et mise en scène Barbara Sylvain (Oh my god)

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