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Philippe De Coen

Fondateur et directeur artistique de Feria Musica.

En 1982, Philippe de Coen a 33 ans et se choisit un hobby rare, le trapèze volant, qui le mène près de Paris, où il côtoie Bouglione, Fratellini, Plume, Zingaro, Archaos. Son «maître à voler» est un illustre trapéziste, Jean Palacy, qui entraînait Burt Lancaster. Le hobby se fait profession, chez Bouglione puis chez Michèle Anne De Mey dont la création de Pulcinella d’Igor Stravinski avec un orchestre dirigé par Georges-Elie Octors est accueillie en juin 1994 au Théâtre de la Ville de Paris. Le trapéziste finit par créer avec un compositeur (Benoît Louis) et un dresseur de chevaux (Jacques Charandack) la compagnie Feria Musica. Leur premier spectacle Les Liaisons dangereuses (1997) est salué comme la première création belge de «nouveau cirque», adoubée par le Cirque Plume. Dirk Opstaele, metteur en scène des Liaisons, poursuivra avec Calcinculo (2000). Mais le sommet de la success story vient de sa collaboration avec la chorégraphe Fatou Traoré. Sa mise en scène du Vertige du papillon (2004) est un triomphe international avec 220 représentations entre 2004 et 2007.Dès lors la compagnie décroche un contrat-programme important de la Communauté française. Un autre chorégraphe Mauro Paccagnella met en mouvement les deux œuvres suivantes, Infundibulum (2009) et Sinué (2012). Puis Philippe de Coen se lance dans une folle aventure un «cirque-opéra» Daral Shaga (2015) consacré aux migrants. Une aventure qui mêle les genres au risque de dérouter et les circassiens et les amateurs d’opéra. Les reproches les plus couramment entendus sont que le cirque y est «décoratif» et qu’une trentaine de tournées c’est trop peu pour du cirque. Oui mais c’est énorme pour un opéra contemporain mêlant réflexion et divertissement, cirque et jazz, chant et poésie, vidéo et performance. On assiste à une méditation poétique intériorisée entre un père et sa fille qui tentent de franchir l’obstacle  et se heurtent à ce mur. La "vieille génération" qui se sacrifie à la nouvelle, une lueur d’espoir et ces corps habiles de circassiens qui ne font pas un  "numéro" mais illustrent avec force le débat intérieur des protagonistes. La partition de Kris Defoort, d’un lyrisme parfois tendu dans le dialogue père/fille, introduit aussi des rythmes "jazzy" qui soutiennent la superbe scène d’escalade du mur, magistralement interprétée par la troupe de circassiens chorégraphiés et mis en scène avec intelligence par Fabrice Murgia.

Daral Shaga fut apprécié en France, aux Pays-Bas et, tardivement chez nous, au National cette année, dernier jalon d’un long parcours. D’où la décision du jury de couronner l’ensemble d’une œuvre et d’une entreprise commencées tard, presque par hasard et dont la période active (1997-2017) couvre 20 ans. Comme un hommage au cirque et à l’ensemble des arts de la scène, cirque, danse et opéra. Et comme dernière étape d’une aventure artistique rare.

C.J.

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