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Villa Dolorosa

© Sébastien Fernandez

Elles s’appellent Irina, Olga et Macha. La mort récente de leurs parents les a laissées désemparées, dans une maison familiale devenue leur refuge et leur prison. Sous la plume de Rebekka Kricheldorf, les trois sœurs de Tchekhov et leurs proches trouvent dans l’Allemagne d’aujourd’hui une nouvelle vie. De l’original, l’autrice a conservé les thèmes, les situations et les personnages : ceux-ci ressassent au fil des années leurs projets sans cesse différés, leurs rêves brisés et leur ennui, avec pour toile de fond une société où triomphent l’argent, l’efficacité et l’individualisme. Mais la mélancolie feutrée et la douce ironie du XIXe siècle font place ici à une rage bien d’aujourd’hui taillée dans une langue décapante et férocement drôle.

Georges Lini atteint ici le sommet de son talent. Il orchestre magistralement les allées et venues et "chorégraphie" les mouvements à l’intérieur d’un lieu unique, le salon et son vaste canapé, image emblématique de l’inertie ambiante. En maître du casting, il a surtout misé sur le jeu des comédiens, et le résultat est époustouflant. Il se dégage du plateau une impression de liberté totale, même si les excès sont parfaitement maîtrisés. Chacun.e habite son personnage en lui insufflant son énergie propre, et entre eux la connivence est parfaite. Enfin Lini nous fait découvrir une pièce éblouissante, dans un genre où il excelle : bien plus qu’une habile machine à provoquer le rire, ce "vaudeville existentiel" nous renvoie à nos propres failles, et à notre désarroi face à un monde qui nous semble de plus en plus étranger. D.M.


Villa Dolorosa, de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Georges Lini. 

Création au Théâtre des Martyrs.

Une coproduction Compagnie Belle de nuit, Théâtre des Martyrs, La Coop & Shelter Prod.

Interprète:Nicolas Luçon

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